"Je préfère toujours commencer une toile d’après nature, seule la nature m’apporte cette sensation illimitée de richesse et d’aventure que je n’aurais pas par pure imagination. Je recompose, retrace d’autres lignes de construction, d’autres accords colorés, suivant mes sentiments.
J’ai tout d’abord peint beaucoup de natures mortes, certainement très influencé par Cézanne et par mon maître Louis Neillot. Je retrouve toujours en moi, durant ces exercices, la joie juvénile de l’étudiant découvrant les mystères et l’extrême diversité des formes, des couleurs et des arrangements. C’est une plénitude que seul me donne l’acte de peindre.
« Un citron à coté d’une orange cesse d’être un citron et l’orange une orange pour devenir fruits. Les mathématiciens suivent cette loi, moi aussi ». (Georges Braque)
Mes « danseurs de tango » sont une métaphore colorée qui exprime dans l’immobilité de la toile, les élans passionnés des couples en mouvement. C’est pour moi la rencontre du « Fauvisme » avec la réalité charnelle et passionnelle du tango.
Peindre en pleine nature est une passion, une aventure qui réclame tout un engagement : choix du sujet, affrontement avec le temps qui passe, les éléments . . . la pluie, le vent, le soleil . . . sont là à m’attendre.
J’aime beaucoup les paysages urbains ; ports, bords de Seine à Paris, banlieues ou s’exprime violemment le duel de l’homme et de la nature. Un arbre au tronc rouge caresse de sa frondaison une péniche noire. Dans son ombre, une jeune fille cachée me donne une jolie tache rouge. Sa robe ? Non bien sûr, juste une jolie tache rouge. C’est çà la magie.
Je crois savoir que l’épithète « fauve » ne fût pas acceptée par les premiers peintres fauves, même par Vlaminck. En ce qui me concerne, je pense, avec Louis Neillot, que le fauvisme n’est pas une porte fermée, mais un renouvellement dicté par de nouveaux tempéraments.
Aussi vrai qu’un amateur d’Art choisit avec ses yeux et non avec ses oreilles, il est important de garder en soi la force de l’instinct. Il est le seul guide de la personnalité, même contre la leçon des maîtres qu’il ne faut pas négliger."
Jean Prévost